L'UNIVERS

Quels sont vos premiers contacts avec l’occitan ?

Né à Castres en 1948, j’ai passé mon enfance et ma jeunesse à Brassac, où vivaient mes parents. Ma mère, brassagaise née en 1917, et mon père, castrais né en 1916, connaissaient l’occitan, mais ne le parlaient pas entre eux. Cependant l’occitan était régulièrement présent dans la maison pendant les premières années grâce à la présence d’un oncle de ma mère qui vivait avec nous et ne parlait qu’en occitan. Pour celui-ci, né dans le dernier quart du XIXème siècle, le français, qu’il connaissait, n’était pas sa langue. Mais l’occitan était aussi présent un peu partout dans le village, dans les rues, sur les places, dans les cafés, etc. Cette langue, qu’on appelait patois, était bien une réalité pour tout le monde, dont la plupart des gens – encore moins les enfants – ne mesuraient pas l’importance, une importance que j’ai découverte plus tard.

Quels sont vos débuts dans l’écriture ?

Après avoir passé trois ans dans l’Est, à Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône), je suis retourné en Occitanie, à Cransac-les-Thermes (Aveyron). Là, je me suis mis sérieusement à l’occitan. J’ai acheté des ouvrages et j’ai pris les cours par correspondance du Collège d’Occitanie (Toulouse) pendant trois ans. Le dernier devoir était un travail libre d’une à deux pages A4 manuscrites. Un peu par hasard, j’ai écrit un conte d’une page intitulé Lo barracon. Plus tard, je me suis dit un jour : celui qui écrit une page est capable d’en écrire deux, trois, etc. J’ai repris alors l’idée de cette maisonnette (lo barracon) pour écrire une histoire différente du conte et qui a abouti à mon premier roman.

Écrire est une chose ; être édité en est une autre. Que s’est-il passé ?

Lors d'un stage, j’avais connu Christian Laux (Cristian Laus, 1934 - 2002), auteur de deux dictionnaires bilingues, occitan/français et français/occitan, de romans et autres ouvrages. Je l’ai contacté pour lui soumettre le manuscrit. Il l’a trouvé intéressant. Il me l’a retourné avec ses remarques et conseils. Je l’ai adressé à Jean-Claude Serres, qui s’occupait alors (en 1996) des éditions de l’IEO (Institut d’Estudis Occitans) qui a décidé de l’éditer.

Après ce premier roman, l’IEO en a édité quelques autres, puis il y a eu le Grelh Roergàs. Pourquoi ?

Effectivement, plusieurs ont été édités par l’association aveyronnaise Grelh Roergàs, avec laquelle j’ai eu des contacts en 2009 et qui m’a proposé de "travailler" aussi avec elle. Je l’ai fait pour diverses raisons : parce qu’elle édite des ouvrages bilingues, qui intéressent bon nombre de lecteurs ; parce que je suis devenu rouergat d’adoption ; parce qu’il est important et nécessaire qu'il y ait plusieurs éditeurs au service de la littérature occitane contemporaine, ce qui est le cas. Je rappelle que le Grelh Roergàs est une association créée en 1921 par Henry Mouly (1896 - 1981), écrivain occitan de Compolibat (Aveyron), dans le but de sauvegarder et de promouvoir la langue. Presque centenaire, elle s'efforce de rester fidèle à la mission qu'elle s'est fixée. Elle publie une revue trimestrielle, Canta-Grelh, et elle édite plusieurs ouvrages chaque année. J’ajoute qu’elle ne se limite plus aux ouvrages bilingues, puisque Lo Professor Cric est en occitan et Le Troubadour d’Ibiza en français.

D’où vous viennent vos idées de romans ?

Je n’ai pas de thème de prédilection. Ce n’est qu’après en avoir écrit plusieurs que j’ai moi-même découvert que quelques-uns tournent autour du thème des relations familiales, mais aussi des relations amoureuses, des relations humaines en général (Lo barracon ; Un estiu sus la talvera ; Lo fuèlh rosegat ; Las vacanças de Pascas ; Le nena del pont). En fait, c’est souvent le thème de l’identité qui est sous-jacent, identité des personnes, identité de la terre, du "pays", comme dans Lo Puèg de las Fadas ou Dins una balma del Sidòbre.

Il y a bien un autre thème que vous avez abordé, l’émigration aveyronnaise en Argentine. Pourquoi ?

Je l’ai découvert à mon arrivée dans l’Aveyron. Il y a l’aventure humaine d’abord : tout abandonner pour aller vivre à l’autre bout du monde, c’était presque comme aller vivre sur une autre planète en 1884. Il y a ensuite le fait qu’il s’agissait de l’Argentine, un pays latino-américain auquel mes études d’espagnol m’avaient amené à m’intéresser. Et enfin, il y a surtout le fait qu’à cette époque-là on ne parlait pas français dans l’Aveyron, mais occitan. C’est une colonie occitane qui a été fondée là-bas. Je pourrais ajouter que dans les deux romans, Delà la mar et Tango d’estiu en Roergue, il est aussi question d’identité, puisque, en abandonnant leur terre, ces émigrants rouergats ont abandonné une grande part d’eux-mêmes pour devenir des Argentins. Et que fait Sara, l’héroïne de Tango d’estiu en Roergue, si ce n’est chercher à savoir qui elle est, d’où elle vient ?

Auriez-vous-même un problème d’identité ?

Aucunement, de manière consciente tout au moins. Il faudrait d’abord définir l’identité. C’est notre ADN, mais aussi beaucoup d’autres choses, l’environnement familial, éducatif, sociétal, culturel, géographique et linguistique dans lequel nous avons vécu et nous continuons de vivre. Je ne suis pas spécialiste de la question, mais je pense que la langue en est une des composantes essentielles, puisque nous l’entendons avant et bien sûr après notre naissance. Dès les premiers instants elle est continuellement présente autour de nous. Pendant mille ans, la quarantaine de générations qui nous a précédés a parlé occitan jusqu’à la première guerre mondiale, et pour beaucoup jusqu’à la deuxième. En avoir été dépossédés comme nous l’avons été, n’est-ce pas avoir été dépossédés d’une partie de notre identité ? Il y a ceux qui en sont conscients... et les autres, les plus nombreux. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet. Ce n’est pas une question qui m’obsède, mais il ne faut pas oublier d’où nous venons. C’est ce qui explique la présence de ce thème dans plusieurs de mes romans.

Vous enseigniez l’espagnol et vous écrivez en occitan. Pouvez-vous nous expliquer ?

L’un n’empêche pas l’autre, et ma réponse précédente pourrait suffire à expliquer ma démarche, mais je vais être plus précis. Il faut remonter à mon "exil" dans l’Est. J’étais abonné à La Dépêche ; il y avait une petite rubrique en occitan, je la lisais ; c’est alors que j’ai pris conscience qu’il s’agissait de la langue de chez moi, à laquelle il faudrait que je m’intéresse sérieusement de retour au pays. En parallèle, je me suis dit qu’il y avait une anomalie dans mon parcours : j’enseignais l’espagnol, une langue étrangère, alors que la langue de chez moi m’était encore en grande partie étrangère. C’est ainsi que tout a commencé.

Qu’est-ce qui vous a amené à écrire aussi un recueil de blagues et un recueil de mots croisés ?

Je n’ai pas voulu m’enfermer dans un genre, car la langue "vit" sous diverses formes. Que ce soit un roman, un recueil de mots croisés, une traduction, il s’agit de la vie de la langue. Il y a aussi le souci de la transmission. Le recueil de blagues contient une partie qui s’intitule : « Activités pour apprendre ou pour jouer ». En effet, une blague c’est généralement une scène de la vie quotidienne, racontée dans la langue de tous les jours, avec très souvent aussi un dialogue. L’ensemble constitue un support pédagogique intéressant pour l’apprentissage de la langue. Elle se prête aussi à la réflexion et à l’analyse. Indépendamment de l’intérêt linguistique, il est bon de se demander pourquoi elle nous fait rire ou sourire. J’ajoute que ce souci de la transmission de la langue se retrouve dans Lo Professor Cric, un roman où un perroquet phénomène, qui parle couramment la langue, s’évertue à l’enseigner à sa compagne.

Vous venez de mentionner la traduction. Que pouvez-vous nous dire de votre traduction de Don Quichotte ?

Comme je l’ai déjà dit, je considère qu’il est bon de varier les activités d’écriture. J’ai eu envie de traduire, et pourquoi pas Don Quichotte, qui n’existait pas jusqu’alors en occitan. J’ai tout de suite opté pour la formule des morceaux choisis car tout le monde connaît le personnage, mais ils sont très peu nombreux à avoir lu ou à lire toute l’œuvre. Ma traduction est probablement l'un des derniers ouvrages lus par Yves Rouquette. Voici ce qu’il m’a écrit deux mois avant sa disparition : « Veni de legir ta revirada del Quichòt… Polit, polit, polit trabalh. Causida plan menada que rend aisida la lectura d’un libre que, fins ara, aviái pas capitat a legir en entièr. Lenga d’òc naturala, populara, eficàcia… » (Je viens de lire ta traduction du Quichotte… Joli, joli, joli travail. Choix bien mené qui facilite la lecture d’un livre que, jusqu’à maintenant, je n’avais pas réussi à lire en entier. Langue d’oc naturelle, populaire, efficace…)

Courant 2016, j’ai eu une autre grande satisfaction. Le chapitre IV de ma traduction a été choisi pour représenter la langue occitane dans une édition exceptionnelle de Don Quichotte en 150 langues, à l’occasion des 400 ans de la mort de Cervantes. Il s’agit de l’ouvrage intitulé "El Quijote universal. Siglo XXI" édité par Antonio Machado Libros.

Qu’en est-il de votre traduction de "Delà la mar" en espagnol justement ?

Il s’agit là d’un autre défi que je m’étais lancé précédemment, celui de savoir si j’étais capable de passer de l’occitan a l’espagnol, deux langues qui comptent beaucoup pour moi. Je l’ai fait et j’ai édité Allende los mares à compte d’auteur. Je l’ai fait aussi pour une autre raison, pour rendre accessible mon roman aux Argentins d’aujourd’hui en espérant que quelques-uns pourraient le lire. C’est ainsi que j’ai pu en offrir 180 exemplaires aux habitants de Pigüé grâce à un groupe de voyageurs qui a accepté de les acheminer gratuitement.

Vous enseigniez l’espagnol, vous écrivez en occitan et vous répondez en français. Pourquoi ?

Tout d’abord parce qu’il va de soi que ce n’est pas parce qu’on écrit dans une langue qu’on rejette les autres. L’occitan n’est pas l’ennemi du français et réciproquement. Les langues n’y sont pour rien dans le sort que leur réservent les hommes. Elles devraient pouvoir vivre harmonieusement, pacifiquement, comme j’ai essayé de le montrer dans Le Troubadour d’Ibiza... une utopie probablement... Ensuite et surtout parce que le but est d’informer le plus de monde possible. Ce serait une erreur de "s'enfermer" dans une langue et de ne s’adresser qu’au public qui connaît l’occitan. Les autres aussi ont le droit de savoir qui est Serge Gayral.

Entrevista de Sèrgi Gairal per la revista Lo Lugarn n° 143 - tardor de 2022

Lo Lugarn : Sr Sèrgi Gairal siatz escrivan conegut e reconegut. Dempuèi quant de temps escrivètz e cossí vos venguèt dins l’ase d’escriure ? D’ont vos ven aquela vocacion ?

Sèrgi Gairal :

Escrivi dempuèi las annadas nonanta. Passèri tres ans dins l’Èst, a Luxeuil-les-Bains, 1975-1978. Èri abonat a la Despacha. Legissiái la rubrica occitana que i aviá a l’epòca (qualques linhas). Es aital que prenguèri consciéncia qu’èra la lenga de ma Tèrra, que la coneissiái un pauc, mas pas gaire. Me diguèri tanben que quicòm trucava dins mon itinerari. Ensenhavi l’espanhòl, una lenga estrangièira, quand la lenga de ma Tèrra m’èra, per una bona part, estrangièira. Decidiguèri alara de me metre seriosament al trabalh quand i tornariái, çò que faguèri tanlèu arribar al collègi de Cransac-les-Thermes dins Avairon. Crompèri diccionaris e gramaticas, me metèri a legir, prenguèri los corses del Collègi d’Occitània, e comencèri lèu a l’ensenhar (lo professor de tecnologia, que fasiá d’iniciacion, me laissèt sas oras). Al cap de nòu ans me calguèt partir per Vilafranca de Roergue ont demòri (mesura de "carta escolara"). Contunhèri de m’interessar a l’occitan e a l’ensenhar, en oras suplementàrias quand avián besonh de ieu, al collègi o al licèu. Pendent quinze ans balhèri tanben de corses a La Guépia, dins l’encastre de l’Universitat d’estiu.

Lo darrièr dever dels corses del Collègi d’Occitània (tresena annada), èra estat un trabalh liure. Aviái escrich (pòdi pas dire perqué) una mena de conte d’una pagina e mièg (manuscrita en A4), Lo barracon, qu’aviá agradat fòrça al professor corrector. Plan pus tard, dins las annadas nonanta doncas, me diguèri que lo qu’escriu una pagina ne pòt escriure doas, tres, quatre e plan maitas, e me lancèri dins l’escritura d’un tèxt pus long, que la resulta ne foguèt mon primièr roman, Lo barracon (IEO,n°133, 1996), qu’es una istòria inspirada pel conte mas plan diferenta, e que mon primièr legeire (del manuscrit) ne foguèt Cristian Laus, que m’encorèt a contunhar.

Apondi que foguèri l’amic de Cristian Laus e de Cantalausa, en contacte regular amb eles, fins a lor despartida respectiva.

Lo Lugarn : Alavetz, la question -benlèu pas completament piòta- que vos ven sus la lenga es : Perqué escriure en occitan dins una societat occitana de mai en mai lingüisticament desoccitanizada ?

Sèrgi Gairal :

Efectivament, òm se pòt pausar la question, mas lo jorn que i aurà pas pus de literatura occitana, i aurà pas pus de lenga occitana tanpauc. Serà definitivament mòrta, venguda una lenga anciana, coma lo latin e qualques autras. Considèri tanben que lo mond nascuts après la segonda guèrra mondiala fins a la mitat de las annadas seissanta, a quicòm prèp, son los darrièrs qu’an l’occitan dins l’aurelha, qu’ausiguèron una lenga viva, una lenga naturala de comunicacion. Aquel mond son los testimònis d’una lenga viva. Lor lenga es pas una lenga apresa, es una lenga ausida. Aquò vòl pas dire que sufís d’aver ausida una lenga per la conéisser plan, èsser capable de l’escriure e d’escriure de romans o autres obratges. I a fòrça causas a aprene. Los qu’aprenon una lenga qu’an pas jamai ausida, l’aprenon coma una lenga estrangièira, es evident. Pòdon arribar a la mestrejar, a la parlar correntament e a l’escriure corrèctament. Es evident tanben e urosament. Ne sabi quicòm, ieu qu’aprenguèri l’espanhòl. Se disi tot aquò, es que los testimònis que ne parli pus naut, an un "quicòm" que los autres an pas, quicòm de preciós, de mal definir, l’èime de la lenga. Lor literatura es un "testimoniatge lingüistic" necessari, indispensable. Cal esperar qu’après eles la literatura occitana contunhe de viure e que siá de qualitat, mas serà diferenta, inevitablament.

Lo Lugarn : Sètz escrivan, mas sètz tanben estat professor d’espanhòl. Avètz ja publicat de reviradas en çò d’IDECO, lo servici edicions de l’Institut d’Estudis Occitans. Pensam a « Dòn Quichòt de la Mancha » de Miquel de Cervantes. Contunhatz aquel trabalh de traduccions ? Avètz quicòm sul talh dins aquel domèni ?

Sèrgi Gairal :

Faguèri aquela revirada perque l’aviam pas en occitan, mas tre la debuta la formula dels tròces causits s’impausèt a ieu. Perqué ? Perque tot lo mond coneis Dòn Quichòt, lo personatge, mas quantes an legit tot lo libre ? E quantes lo legirián en occitan s’existissiá ? Plan segur, seriá una bona causa que tot lo libre foguèsse estat revirat, mas quantes lo cromparián (que costariá pro car) e lo legirián ? Dòn Quichòt es un monument de la literatura, mas çò que mai interèssa lo mond, lo "grand public", son las aventuras. Me limitèri a aquelas tròces. Dins ma seleccion, i son totas. Precisi que los tròces causits correspondon a de tròces del tèxt original de Cervantes.

En 2016, l’universitat de Madrid me faguèt una suspresa de las bèlas. Pels 400 ans de la mòrt de Cervantes, aprestavan una edicion excepcionala de Dòn Quichòt en 150 lengas, e me propausèron de prene lo capítol quatre de ma revirada per representar la lenga occitana. Lo libre se titola El Quijote universal. Siglo XXI.

Dins mas annadas estudiantinas a Tolosa, joguèri dos Entremeses de Cervantes (1968, 1969), pichonas pèças de teatre de vint a trenta minutas. Cervantes n’escriguèt uèch, e ne faguèri la revirada, editada en 2018 pel Grelh Roergàs jol títol original Entremeses. Prenguèri fòrça plaser a revirar aquelas pèças formidablas que m’avián balhat fòrça plaser a jogar… amb la nostalgia de la joventut.

Apondi qu’en 2006 faguèri la revirada en espanhòl de Delà la mar (IEO, n°165, 2004, reeditat en 2020) a compte d’autor, jol títol Allende los mares. Una escomesa personala per veire s’èri capable de passar de l’occitan a l’espanhòl. Lo manuscrit foguèt legit per Ángel Márquez de Sevilla (amic), Javier Sarti de Valencia (escrivan) e Andrés Gallego de Tolosa (professor d’universitat).

Acabi en disent que pel moment ai pas res sul talh dins aquel domèni.

Lo Lugarn : Se publica de mai en mai de traduccions de las literaturas estrangièras. Amb vos, avèm qualques autres traductors de tria coma Pèire Beziat, Sèrgi Carles e Joaquim Blasco, per parlar pas que d’aquestes. Tradusir es segurament una causa indispensabla que cal contunhar de far, mas, emai foguèsse pas totjorn las meteissas personas que tradusisson e qu’escrivon, es qu’aquò amagariá pas una flaquesa de la creacion originala en occitan ?

Sèrgi Gairal :

La revirada es una causa, la creacion originala n’es una autra. La revirada es indispensabla, coma disètz, e amaga pas necessàriament una flaquesa de la creacion originala. Se flaquesa i a es per d’autras rasons que cal cercar. Una d’ela (tornam aicí a una responsa precedenta), pòt èsser justament lo fach qu’es mens evident de se lançar dins l’escritura romanesca per de mond qu’an apresa la lenga coma una lenga estrangièira e qu’an pas doncas una practica naturala de la lenga. Personalament, soi capable d’escriure dins un espanhòl corrècte, mas pas d’escriure un roman en espanhòl, es a dire de rivalizar amb de natius.

Lo Lugarn : Per çò qu’es de la creacion literària vòstra, publicatz regularament per IDECO e pel Grelh Roergat. Avètz una òbra en camin ? Quicòm per sortir lèu ?

Sèrgi Gairal :

Quand soi a escriure, pensi a l’obratge seguent (disi obratge, que son pas totes de romans), per contunhar de portar ma pèira a l’edifici nòstre. En principi, i deuriá aver quicòm lèu e quicòm mai a la debuta de l’an que ven. Ne dirai pas mai aquí dessús pel moment.

Lo Lugarn : Trobam al Lugarn que se parla pas pro del Grelh Roergat, una associacion que fa un trabalh remirable dins mai d’un domèni en Roèrgue. No’n podètz dire mai sus aquela valenta còla ?

Sèrgi Gairal :

Efectivament, lo Grelh Roergàs fa un trabalh remirable e dempuèi cent ans ! Celebrèrem lo centenari l’an passat, 1921-2021. Deu èsser una de las pus ancianas associacions occitanas, e totjorn plan viva. Publica una revista trimestrala, Canta-Grelh, e edita tres o quatre obratges per an, de romans, de poesia, de recuèlhs, d’obratges de vulgarizacion, e tot aquò fach per de benevòls. Cada an, a la debuta d’agost, fèsta la Sant Justin dins un endrech diferent de Roergue ont s’illustrèt una persona que metèt en valor la lenga occitana, amb l’amassada generala e un repais amb cançons e intervencions divèrsas. En 2022, la Sant Justin se debanèt a Naucèla, en omentatge a Paul Cousty, Joan Bodon e Robèrt Marty. Traparetz totas las informacions sus son site, grelhroergas.com

Lo Lugarn : Coma totes los escrivans siatz qualqu’un que legís fòrça. Segon vos, cossí se pòrta la literatura occitana en 2022 ? Semblariá que d’aquestas passas siá mens dinamica que fa qualques decennis. Que ne disètz ?

Sèrgi Gairal :

Sabi pas tròp qué respondre. Disètz "semblariá". Aquò vòl dire qu’es una impression. Çò segur es que i a fòrça obratges que sortisson cada an. Veni de parlar del Grelh Roergàs. I a la plega de l’IEO, e qualques seccions departamentalas qu’editan tanben. I a Letras d’òc, Vent Terral, Édite-moi e d’autres editors…

Dins una letra de sa correspondéncia amb Enric Mouly, Joan Bodon escriguèt qu’en 2000 tanplan se parlariá pas pus ni de l’occitan ni de sa literatura, e i a pas jamai agut tant de libres e de revistas coma ara, en 2022. Alara…

Lo Lugarn : La literatura occitana, e es pas nòu, manca de criticas senadas. Per anonciar las publicacions, sovent las revistas s’acontentan de publicar las quatrenas de cobèrta. Una literatura sens criticas es una literatura que malauteja. Per exemple constatam que se parla pas pro de vòstra òbra dins la premsa occitana. Cossí o explicatz ?

Sèrgi Gairal :

Avètz rason. De segur cal una critica seriosa e objectiva, mas se flaquesa i a dins la creacion originala, coma o escrivètz, se cal mesfisar. Es un punt complicat. La rason que balhi pus naut pòt èsser una explicacion d’aquela flaquesa. Mas se, en mai d’aquò, la critica de los qu’an ausat se lançar dins l’escritura es tròp dura, qual ausarà escriure ?

Quant a ieu, me planhi pas de ma situacion. Se lo qu’escriu es un escrivan, ne soi un demest los autres. Me considèri puslèu coma un autor. Confèssi que soi plan content quand qualqu’un me ditz qu’a aimat tal o tal de mos libres, o quand me dison qu’an estudiat un roman o un tèxt meu dins un cors de lenga. En mai de ma produccion escricha, òm pòt escotar vint tèxtes meus (legits per ieu) sus YouTube, tirats del recuèlh Tròces de vida (Grelh Roergàs, n°69, 2021). Apondi qu’òm pòt trapar d’informacions sus mon itinerari e sus mos libres sus mon site sergegayral.fr.

Lo Lugarn : Lo grand malur per la literatura occitana es que se tròba pas dins las librariás. Atanben patís d’una manca evident de difusion, almens de visibilitat. Plan solide los ostals occitans d’edicions dispausan de sites de vendas en linha, mas aquò fa pas compés a la manca crudèla de difusion. Cossí las causas se poirián arrengar dins aquel domèni ?

Sèrgi Gairal :

Sabi pas plan, estant que, coma disètz, los ostals d’edicion dispausan gaireben totes d’un site. De mon costat, los libres editats pel Grelh Roergàs son sus son site, plan segur. Son totes sus mon site tanben. Quand un sortís, mandi un mèl a un fum de mond e vau veire la premsa que me fa cada còp un article. Supausi que soi pas lo sol a far aital. Part aquò, vesi pas d’autras solucions vertadièirament eficaças per "arrengar las causas". Ni per tot, vòli mençonar la television, que deuriá consacrar mai de temps a la literatura, un còp cada mes o cada dos meses per exemple, qu’es pas lo cas.

Lo Lugarn : A prepaus de difusion, semblariá que los occitanistas, e los quitis militants afogats, legiguèsson pas. Quin es vòstre sentit sus aqueste sicut ? Cossí explicar l’interés que d’unes pòrtan a la lenga sens s’interessar a çò qu’aquesta produsís ?

Sèrgi Gairal :

Question complicada. Ne sabi quicòm, que dempuèi vint-e-cinc ans participi cada an a cinc, sièis, sèt salons del libre. Parli amb lo mond e ne trapi pro sovent que coneisson mai o mens la lenga, quitament qualques uns que la parlan plan. D’unes dison que la sabon pas legir. Lor respondi que vòlon pas, que sufís de voler e de començar, un discors practicament inutil. D’autres confèssan que n’an pas enveja. Quina es la solucion ? Caldriá una presa de consciéncia, un cambiament complèt de mentalitat… e soi pas gaire optimista sus aquel punt.

Lo Lugarn : Sabem la question delicata, mas segon vos quin es lo libre occitan recentament paregut que cal imperativament legir e per quinas rasons ?

Sèrgi Gairal :

La question es delicata, coma disètz. Ne caldriá aver legit fòrça per se prononciar, qu’es pas mon cas. Per subrepés, cadun a sos critèris. Doncas, ne citarai pas cap.

Lo Lugarn : Fa quelques annadas per defendre la lenga e l’identitat occitanas, los occitanistas èrem capables de far davalar per carrièras de desenats de milierats de personas. Ara o fasèm pas pus. Nos podètz balhar qualques rasons d’esperar dins l’avenidor ?

Sèrgi Gairal :

Participèri a totas aquelas manifestacions, que mostrèron que la lenga e l’identitat occitana èra una realitat, qu’èrem pas un grop de fanatics, que sabiam çò que voliam, qu’èrem nombroses a voler defendre la lenga e l’identitat occitana. Malurosament, ai pas l’impression que serviguèt a grand causa. Vos voldriái ben balhar de rasons d’esperar, mas confèssi que ne vesi pas gaire pel moment, levat que, coma o disi pus naut a prepaus de la produccion occitana, me sembla que i a pas jamai agut tant de libres, tant de revistas, tant de cantaires, d’espectacles e de CD coma ara.

Lo Lugarn : E ara la question que pausam a totes nòstres convidats : al Partit de la Nacion Occitana pensam que, malgrat la situacion, i a una nacion occitana e que la question occitana es una question politica (coma en Corsega, Catalonha, Escòcia, e endacòm mai). Que ne disètz ?

Sèrgi Gairal :

Aquí dessús, me prononciarai pas gaire tanpauc. Personalament, es la lenga que m’interèssa, las lengas en general. Coma o disi pus naut e paradoxalament, es justament mon interès per l’espanhòl que me faguèt prene consciéncia de mas raices occitanas e de l’importància de la lenga de mos aujòls. Vesi sa defensa coma una defensa lingüistica, qu’es tanben la defensa d’una identitat, plan solid. La coabitacion armoniosa de mantunas lengas es pas evidenta, mas existís dins qualques païses. Malurosament es pas lo cas dins lo nòstre…

Lo Lugarn : I a benlèu una question qu'auriètz presat que vos siá pausada e que nos venguèt pas en tèsta. Avètz carta blanca per vos adreiçar als legeires del Lugarn sus quin sicut que siá. Avètz probablament un messatge de far passar. Qué lor disètz ?

Sèrgi Gairal :

D’en primièr, vòli mercejar los responsables de Lo Lugarn de m’aver entrevistat, puèi los legeires d’aver pres lo temps de legir mas responsas que contenon ja qualques messatges. Lo darrièr, qu’es pas plan original, es que cal pas baissar los braces, que totes los que pòdon portar quicòm a nòstra lenga e a nòstra cultura o devon far, escrivans, poètas, jornalistas, ensenhaires, cantaires… Que benlèu dins d’amont Enric Mouly e Joan Bodon se regaudisson de veire que la lenga e la cultura occitanas existisson encara. Serviriá a quicòm de se demadar per quant de temps ?

La redaccion del Lugarn vos merceja de vòstra participacion e nos desira bonas capitadas per l’avenidor.